Les représentants des puissances étrangères venant saluer la République en signe de paix
Henri Rousseau, 1907
huile sur toile 130 x 161 cm
Paris, musée Picasso
En 1907, le Douanier Rousseau expose cette toile au XXIIIe Salon des Artistes indépendants. Elle témoigne de ses convictions pacifistes et républicaines et de son goût pour les allégories patriotiques. Le peintre y réunit, sur une même tribune, des chefs d’Etat présents et passés qui ne se sont jamais trouvés ensemble. A gauche, six présidents français - Armand Fallières, Jules Grévy, Sadi Carnot, Emile Loubet, Casimir Perier et Félix Faure - sont groupés sous la branche d’olivier que tend l’allégorie de la République française, une Marianne toute vêtue de rouge, coiffée du bonnet phrygien et qui s’appuie sur un bouclier portant l’inscription : Union des peuples. A leurs côtés se tiennent neuf souverains étrangers : de gauche à droite, le Tsar Nicolas II de Russie, Pierre Ier de Serbie, François-Joseph d’Autriche, l’Empereur d’Allemagne Guillaume II, Georges Ier de Grèce, Léopold II de Belgique, Ménélik II d’Ethiopie, Muzaffar-al-Din de Perse et Victor-Emmanuel II d’Italie. A l’extrême-droite se tiennent les représentants des colonies françaises : Madagascar, l’Afrique noire, l’Indochine et l’Afrique du Nord. Tous ces personnages arborent un rameau d’olivier. Au second plan, à droite, des enfants de toutes les origines dansent autour de la statue du penseur humaniste Etienne Dolet, place Maubert.
Cette curieuse composition est sans doute l’allégorie la plus insolite et la plus utopiste du Douanier Rousseau. L’artiste y tente de satisfaire aux exigences de l’art officiel : il espère la vendre à l’Etat, mais c’est finalement Ambroise Vollard, le célèbre marchand de tableaux de la rue Lafitte, qui en fera l’acquisition. Pablo Picasso la lui rachètera en 1913. Exposée au Salon des Indépendants de 1907, la toile révèle un manque d’apprentissage, constant dans les autres productions du peintre, et fatal à la notion de perspective : c’est un espace à deux dimensions où l’utilisation symbolique de la couleur est consciente et manifeste. Le Douanier Rousseau y met sa puissance créatrice au service d’un idéal de liberté, pacifiste et républicain. Certes, la France de la IIIe République est loin d’occuper, sur la scène internationale, la place que l’artiste lui confère sur la toile : le désastre de Sedan occupe encore tous les esprits. De même, Rousseau exagère le succès remporté par cette œuvre et l’attribue à la tenue de la Conférence internationale de La Haye, organisée de juin à octobre 1907, qui tente vainement d’aboutir à un accord sur le désarmement général. Or, le Salon des Indépendants a lieu en mars 1907 ! Néanmoins, l’œuvre s’inscrit dans la même veine que son tableau intitulé La Liberté invitant les Artistes à prendre part à la 22e exposition de la Société des Artistes Indépendants, exposé en 1906, où cet autodidacte de génie célèbre la nécessaire liberté qui doit présider à la production artistique.